Les repas de Gabriel
Dès la naissance et à chaque phase de changements, l'alimentation d'un bébé porteur de T21 peut être compliquée par l'hypotonie et par la configuration particulière de la bouche et de la langue. Téter - au sein en particulier - mastiquer, déglutir, sont des gestes que la majeure partie des bébés font sans qu'on se pose jamais la question de savoir s'ils y arriveront, mais ce n'est pas toujours aussi simple quand un chromosome surprise s'invite dans l'histoire.
Gabriel a su téter tout de suite. Il est né sans péridurale au terme d'un travail très court, ce qui est idéal pour la mise en place de l'allaitement. Il ne nécessitait pas d'être sans arrêt stimulé ou réveillé comme c'est souvent le cas pour les bébés hypotoniques. Il a juste peiné un peu au moment de la montée de lait, mais j'avais connu ça avec les trois aînés, et le probleme s'est résolu de lui-même au bout de quelques jours. Cerise sur le gâteau, je n'ai eu absolument aucune douleur aux seins - sans doute une succion un peu moins puissante que ses aînés, qui m'avaient chacun offert des crevasses jusqu'au sang la première semaine.
Je l'ai allaité exclusivement au sein, jusqu'à l'approche de ma reprise du travail, alors qu'il avait 5 mois : 3 semaines avant environ, j'ai commencé à lui donner du lait maternel au biberon. Ca n'a pas été simple : il a fallu ruser, faire donner le bib par d'autres personnes, avant ou après la "vraie" tétée ...
Le biberon n'a jamais été une expérience facile pour Gabriel. Heureusement, 3 semaines environ après ma reprise du travail, nous avons commencé la diversification. Assez rapidement les purées et les compotes ont pris le relais du lait maternel dont les quantités diminuaient avec le temps. Contrairement aux 3 grands qui avaient fini par s'habituer au bib, Gabriel mettait de plus en plus de temps pour boire des quantités de plus en plus faibles. Au retour des vacances d'été (il avait 9 mois), nous avons convenu avec la nourrice qu'il était inutile de continuer : j'allaiterais Gabriel chaque fois que possible, et il boirait de l'eau à la tasse chez elle dans la journée. Nous ne saurons jamais avec certitude si c'est la trisomie qui est en cause dans cette difficulté à prendre le biberon, mais c'est assez probable. J'aime à croire malgré tout que c'est aussi parce que mon p'tit bonhomme est un fin gourmet et qu'il préfère son lait à la source !
La diversification a été une étape importante, qui par chance s'est déroulée absolument sans problème. Nous avons attaqué par les légumes (carottes, courgettes, haricots verts, navets, potirons, etc). Nature, d'abord, puis combinés en jardinières ... Forte de l'expérience de Jeanne qui dès l'introduction des fruits avait refusé de manger le moindre légume, jusqu'à ce que je puisse lui donner en petits morceaux bien fondants vers 1 an, j'ai attendu presque un mois avant de donner des compotes à Gabriel. Nous entrions dans l'été et j'ai pu m'éclater avec les fruits de saison !
Gabriel n'a rencontré aucune difficulté au moment de la diversification : pas de hauts le coeur, pas de fausses routes, et tout de suite beaucoup de plaisir à tester des goûts nouveaux. La seule chose que j'ai observée, c'est une propension à ramener la cuillerée de compote ou de purée vers l'avant en la repoussant avec la langue, au lieu de l'accompagner vers la gorge pour avaler. C'est quelque chose de très courant : au début, tous les bébés ont tendance à téter la cuillère et son contenu avant de comprendre la nouvelle "mécanique" alimentaire. Le temps d'adaptation a été plus long chez Gabriel. Mais on ne peut vraiment pas parler de difficulté. Assez rapidement, nous avons introduit les protéines : jambon ou blanc de poulet mixés finement. Dès Juillet (8 mois), la nourrice a commencé à lui donner de la semoule, qui est passée facilement. Vers 10 mois, nous avons introduit les pâtes étoiles et les lentilles bien fondantes. À l'automne, j'ai cessé de mixer certaines choses, et je les ai écrasées à la fourchette : poires bien mûres, bananes ... J'ai cessé aussi de mixer la viande pour la couper en petits dés. Rapidement Gabriel a montré une préférence pour les menus avec de la consistance. Finalement, c'est l'absence de molaires qui nous contraint à lui donner des choses qui ne demandent pas à être mastiquées.
J'aborde maintenant le point un peu plus compliqué. Je ne saurais dire si nous avons accidentellement sauté une étape, mais Gabriel rencontre deux difficultés, qui je l'espère seront passagères :
- il ne porte aucun aliment à la bouche lui-même : il mâchouille et léchouille TOUT ce qui lui passe sous la main, jouets, livres, chaussettes ... SAUF ce qui se mange. Depuis plusieurs mois, je dépose sur la tablette de sa chaise haute des petits morceaux de banane ou de clémentine pelés à vif - il adore ! Il les tripote d'un air dégoûté et les balance par-dessus bord sur le tapis de sa grand-maman : sacrilège ! Il ne les mange que si c'est moi qui lui mets dans la bouche.
- il refuse de goûter les aliments secs, comme le pain ou les biscuits. J'ai commencé à lui donner des boudoirs spéciaux pour les bébés vers 10 mois, j'ai refait des tentatives régulières, chaque fois il prend un air dégoûté, a des hauts-le-coeur si j'insiste et se met à pleurer.
L'orthophoniste nous a incités à persévérer, à varier les plaisirs : biscuits sucrés, gâteaux apéro ... pour le moment rien n'y fait ! Seule victoire qui date d'hier : il accepte de manger avec des couverts !! Je n'avais pas pensé à lui donner une fourchette, et finalement, c'est l'outil le plus pratique : difficile pour un petit bonhomme de 15 mois de charger une cuillère, et plus difficile encore de ne pas semer son contenu entre l'assiette et la bouche. Il a besoin d'aide pour piquer mais est très adroit pour amener la fourchette à sa bouche : joli progrès !
Voila : je crois que je n'ai rien oublié des étapes de l'alimentation de Gabriel : à 15 mois, il est toujours allaité matin et soir en semaine et parfois un peu plus le week-end. Il se régale de petits plats préparés avec amour, et le plus souvent possible, j'essaye de lui donner ce que mangent les grands en adaptant un peu (peu salé, coupé plus finement, ...).
Si vous passez sur mon blog et êtes concernés par l'alimentation d'un enfant porteur de la trisomie 21, ou juste curieux, n'hésitez pas à me faire part de vos commentaires ou vos questions !